vendredi 1 novembre 2013

Et si on se mettait à la BD? Episode 4: Long John Silver



Qui n'a jamais voulu retrouver l'univers de L'île au trésor de Robert Louis Stevenson? C'est désormais possible grâce à cette bande dessinée qui se veut comme un hommage au personnage original du pirate à la moralité - légèrement dirons-nous - dévoyée, je veux bien entendu parler de Long John Silver. Ce thème est donc repris par Mathieu Lauffray (scénario et dessins) et Xavier Dorison (scénario) dans un cycle en quatre tomes graphiquement époustouflants parus chez Dargaud (comme d'habitude je vous conseille leur site, bourrés d'informations sur la BD).

Résumé du tome 1 (BDGest'): Délaissée par son mari parti découvrir le nouveau monde depuis plusieurs années, lady Vivian Hastings est restée à Bristol, en Angleterre. Seule ? Pas tout à fait : Vivian, consciente de son charme, ne manque pas de courtisans. Ceux-ci ne connaissent pas sa situation matérielle inquiétante : ruinée bien que toujours propriétaire du domaine et, surtout, enceinte... Tout bascule le jour où Vivian reçoit enfin des nouvelles de son mari qui lui somme de le rejoindre en Amérique du sud où Lord Hasting aurait découvert le mythique trésor de Guayanacapac ! Acculée, Lady Hastings décide de partir et fait appel, malgré les mises en garde du docteur Livesey, à une bande d'hommes sans foi ni loi dont le chef n'est autre que le redoutable Long John Silver. Vivian conclut un pacte de sang avec ce pirate qui lui propose de l'embarquer jusqu'au nouveau monde en échange d'une partie du trésor. Le voyage s'effectuera jusque dans les pays les plus reculés, le long de l'Amazonie, en pleine forêt.

Après leur collaboration sur Prophet une bande dessinée qui vaut apparemment le détour - "apparemment" parce que je ne l'ai pas lu mais c'est ce qu'en disent pas mal de blogs - Lauffray et Dorison décident de remettre ça en investissant cette fois le monde de la piraterie dans une histoire qui débute dix ans après L'île au trésor. Voici ce qu'en disait d'ailleurs Xavier Dorison dans une interview pour Dargaud: ""J’avais envie de tempête, de grand souffle, d’exotisme et de trésor ! En remettant mon nez dans "L'Île au trésor", j’ai également retrouvé un plaisir de lecture d’enfance, des madeleines de Proust qui correspondent à cette période de ma vie, à une forme d’innocence."

Il faut dire que ces deux auteurs n'en sont pas arrivés là par hasard. Mathieu Lauffray a beaucoup travaillé pour le cinéma et notamment avec Christophe Gans le réalisateur de Crying Freeman, Le pacte des loups, Silent Hill. Il a travaillé sur les images préparatoire de Nemo un film conçu comme un prequel à Vingt mille lieux sous les mers mais la production fut finalement abandonnée. Chose plus intéressante encore, il a travaillé toujours avec Gans sur un autre projet: Le Pacte des Loups, il est l'auteur du carnet de croquis de Fronsac le personnage principal interprété par Samuel le Bihan, c'est lui qui dessine aussi la bête dans le film et agit en tant que doublure main. Enfin, il a également aidé à la création graphique du film Vidoq ou 10 000 de Roland Emerich. Quant à Xavier Dorison il est le scénariste de onze séries de bandes dessinées et a aussi touché au monde du cinéma puisque c'est à lui entre autre que l'on doit le scénario des Brigades du Tigres sorti en 2006.

Si je parle un peu longuement de ces collaborations c'est que le lien est particulièrement visible dans Long John Silver, surtout entre le Pacte des Loups et cette bande dessinée. On retrouve le même univers dégoulinant de pluie, sombre, dans des teintes très fortes de vert et de bleu. Le dessin a quelque chose de rugueux mais également de complètement fascinant. Une fois embarquée dans l'histoire on ne peut plus se détacher des images que l'on a sous les yeux. Les planches complètes sont superbes et pour s'en convaincre il suffit de jeter un œil sur la couverture tome 2 que je trouve époustouflante. C'est d'ailleurs ce qui, avec le titre, m'a attiré l’œil à la bibliothèque. Une bande dessinée sur Long John Silver est en soit intéressante mais la patte de l'artiste rend le tout évidemment indispensable. Comme souvent, chose à ne pas négliger, la bande dessinée est complète en quatre tomes ce qui évite parfois les écueils des séries à rallonge dont on ne voit jamais la fin. 

Le tome 1, le seul que j'ai lu pour l'instant, fait figure de prologue et nous place l'intrigue et les personnages. Nous avons donc Lady Hasting, abandonnée par son mari qui court les trésors en Amérique latine, collectionneuse d'amants et de dettes qui se voit un beau jour dans la purée lorsque son beau-frère vient la trouver en lui annonçant non seulement que son mari n'est pas mort mais qu'il la déchoit de ses droits et récupère tout son argent. La dame, aux aboies, entraîne alors sa bonne dans un périple qui les mènera de l'autre côté du monde en la compagnie du pirate à la jambe de bois. Long John est introduit tard dans ce premier tome ce qui n'est pas plus mal. Cette absence ou la théorie de l'élastique au cinéma, permet au lecteur d'anticiper l'arrivée du pirate et marque un point culminant lorsqu'il apparait enfin. Le scénario est simple, chaque tome parlant d'un épisode complet jusqu'au dénouement final, mais est particulièrement efficace. Nous suivons la progression du bateau parti pour rejoindre la cité perdue de Guyanacapac qu'aurait trouvé Lord Hasting tout en voyant en parallèle comment Long John se met peu à peu l'équipage dans la poche afin de parvenir à ses fins et à celles de Lady Hasting. Le personnage de la servante est également très intéressant et intriguant dès le début du tome 1 ce qui permet des rebondissements bienvenus.

Au niveau de l'intrigue je suis très tentée par la suite de la bande dessinée car le voyage et les retournements de situations seront à mon avis bien maîtrisés et j'ai pu lire que le quatrième tome, qui marque l'arrivée de l'équipage dans la cité légendaire, permet à la série de finir dans une apothéose grandiose. Si ce n'est pas de la tentation ça...

Il n'était pas question pour Laffray et Dorison de refaire un l'île au trésor mais bien de raconter de nouvelles aventures de Long John après ce dernier. Les clins d’œil ne manquent donc pas au roman original tout en sachant s'affranchir de celui-ci pour offrir au lecteur une véritable histoire indépendante. Pas besoin d'avoir lu le roman donc pour s'attacher aux personnages puisque les véritables éléments importants du roman pour la construction du personnage de Long John sont distillés dans le prologue. 

Parmi les clins d’œil on retrouvera notamment le personnage du docteur Livesey présent dans L'île au trésor et de la taverne The Spyglass dans laquelle Lady Hasting fait la connaissance de Long John Silver tout comme Jim Hawkins le faisait dix ans auparavant. Le nom de Hawkins émaille d'ailleurs le récit marquant de ce fait l’ambiguïté du personnage du cuisinier à la jambe de bois.

Long John Silver est doté à la fois d'une réelle intention scénaristique, raconter une histoire d'un des pirates les plus célèbres de la littérature, mais aussi d'une forte présence artistique. Il y a un travail indéniable derrière Long John Silver. Je me suis également rendue compte qu'une BD ça se savoure contrairement à l'idée qu'on s'en fait. J'ai lu le tome 1 vraiment par petites touches, comme on le ferait pour un roman, histoire de digérer les dessins et l'intrigue assez denses. C'est un univers que je recommande même si le dessin vous rebute, cela vaut le coup à mon avis de se faire violence et de se laisser saisir par l'ambiance poisseuse et froide de cette série. 

Les quatre tomes disponibles (le dernier n'est pas encore arrivé à la bibliothèque, je fais déjà grise mine):

1. Lady Vivian Hasting (2007)
2.Neptune (2008 et sélection officielle du Festival d'Angoulême 2009)
3. Le labyrinthe d'Emeraude (2010)
4. Guyanacapac (2013)  

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